Horizons réflexes (2006)
pour violoncelle et orchestre
2(1Picc.).2(1CA).2(1ClB).2./2.2.0.0./2Perc./Cordes (20’)
Percussion : quatre timbales, un vibraphone, un jeu de cloches-tubes, trois tam-tams (un grave, un médium-grave, un médium) et un Glockenspiel avec étouffoir à pédale.
Commande du Festival Automne en Normandie
A Gary Hoffman
Création le 26/10/08 à Rouen, dans le cadre du Festival Automne en Normandie, par Gary Hoffman et l’Orchestre Les Siècles sous la direction de François-Xavier Roth.
Éditions Jobert
Dédiée à Gary Hoffman, Horizons réflexes (2006) de Dominique Lemaître résulte d’une commande du festival Automne en Normandie. Conçu pour violoncelle et orchestre, cet opus – écrit après Altius (1999) et Huit à l’infini (2001) – figure la troisième partition de nature concertante offerte à ce noble instrument à cordes.
Dans un premier temps, évoquant la genèse de l’œuvre, le compositeur a avoué avoir eu à l’esprit « l’idée quasi picturale d’un paysage étrange constitué de lignes se développant horizontalement et de verticalités presque régulières qui se rencontrent, se trouvent, se dérobent ou se métamorphosent ». De métaphore en métaphore, on songe aux quadrillages gauchis (tracés à main nue) du peintre Mondrian dans lesquels la densité contrastée de la matière colorée semble épouser nonchalamment les quartiers escarpés des prisons de l’âme.
Ainsi, au cœur de ce contexte acoustique d’hypothétique géométrie, les arabesques du soliste pourront croiser l’imperturbable mécanique (en homorythmie) scandée par exemple par les pizzicati des autres cordes de l’orchestre. Mais à la fin de la pièce, délaissant l’archet, le violoncelliste jouera librement dans le camp de la verticalité en laissant résonner quelques valeurs rythmiques irrationnelles… manière de montrer qu’il gère la maîtrise totale du matériau ; le pointillisme du pizzicato aura le dernier mot.
Ici, l’esprit baroque de la matrice irrégulière rejoint les fantaisies déclamatoires et fusionnelles de l’abstraction lyrique. Dans ce sillage, il faut noter que chez Dominique Lemaître, les œuvres concertantes ne sont pas de vrais concertos, au sens classique du terme ; elles ne reposent aucunement sur une opposition dialectique entre le soliste et l’orchestre mais tentent, par un échange d’énergies, l’osmose entre les deux. Dans Horizons réflexes, le violoncelle solo peut ainsi devenir la crête, la tête d’une matière sonore en mouvement, prolongée par un orchestre « résonateur » qui néanmoins sait se montrer éloquent.
Dans cette fresque singulière aux contours à la fois flous et précis, le soliste (qui parfois accepte de partager sa route avec le premier violon) se montre tour à tour déclencheur, leader, éclaireur, finisseur. De plus, l’habillage des divers décors paysagistes jouera avec la mémoire et, à bien y prendre garde, l’auditeur pourra repérer le retour pertinent de certains signaux prémonitoires. De la phase sur une seule note à la mélodie de timbres dilatée, de la spirale infinie descendante aux accumulations arborescentes, des frêles sonorités cristallines au déchaînement du tutti, le langage de Dominique Lemaître se fonde sur les jeux en boucle, en rotation, en écho… autant d’artifices qui servent une sensibilité artistique exacerbée, autant d’illusions qui cristallisent une pâte généreuse et magistrale.
Dans un second temps, un vers du poète Alexis Pelletier a aidé le compositeur à mieux conceptualiser la plastique sonore de l’édifice bâti selon six sections enchaînées: « Un matin, je fus saisi par l’évidence des horizons réflexes ». Mais cela enfante une autre histoire faite de mots enchantés… et donne chair à une œuvre jumelle, cette fois poétique, également développée en six parties…
Pierre Albert Castanet